J’ai eu le plaisir de présenter les IP roadmap et de parler de propriété intellectuelle lors d’un event de l’AIP au Club 44 à La Chaux-de-Fonds. Une association dynamique et qui regroupe des industriels en vue d’échanger des expériences et de favoriser l’innovation.
P&TS propose aux PMEs membres de cette association un IP roadmap afin d’établir une stratégie en matière de propriété intellectuelle. Il s’agit de comprendre le business plan de l’entreprise, d’effectuer une recherche panoramique dans les bases de données de brevets pour comprendre le contexte concurrentiel, puis de proposer une stratégie en matière de propriété intellectuelle qui permette de soutenir le business plan et la vision stratégique de l’entreprise.
Il s’agit d’une prestation nouvelle pour les PMEs, mais qui se base sur plus de 400 IP roadmap que nous avons effectués depuis plus de 10 ans pour des start-ups, notamment en tant qu’experts pour CTI Startup / Innosuisse. 400 sociétés que nous avons visitées, interviewées, examinées sous tous les angles pour leur proposer une stratégie de propriété intellectuelle adaptée à leurs besoins et à leurs ambitions. En effet, pour les start-ups encore plus que pour des sociétés établies, une gestion efficace des ressources en argent et en temps est indispensable pour construire un portefeuille de brevets solide, convaincre des investisseurs, éviter des problèmes de liberté d’exploitation, et créer un peu de buzz sans jeter l’argent par les fenêtres!
Cet exercice est aussi fréquemment l’occasion de revoir la stratégie IP mise en place, et parfois de détecter des problèmes. Le nombre de start-ups auditées permet d’établir des statistiques révélatrices sur les problèmes les plus fréquents en matière de propriété intellectuelle :
1. Problèmes de titularité
Plus que jamais, les entreprises doivent collaborer pour innover. Les problèmes à résoudre sont de plus en plus complexes, et souvent multidisciplinaires. Les start-ups exploitent une technologie souvent issue d’une université ou d’une école polytechnique, ou réalisées par les fondateurs avant la création de la société. Une partie des logiciels est écrite par des partenaires externes. Des solutions naissent et se perfectionnent en discutant avec des clients et des sous-traitants. Tous ces échanges sont sains et nourrissent la créativité ; on parle d’open innovation, de transfert de technologie, de travail en réseau.
Des problèmes surviennent cependant si la question de la titularité des inventions et des logiciels développés n’a pas été réglée. On rencontre ainsi souvent des start-ups qui ont mal lu l’accord de licence que leur a concédé l’école dont elles sont issues (contre des royalties et contre de l’equity) ; les droits sont non-exclusifs, ou couvrent un domaine d’application défini de manière restrictive. Des inventeurs externes finissent par être embauchés chez un concurrent, et réclament leur part du gâteau sur les brevets issus de ces inventions. Le problème surgit souvent lors d’une due diligence demandée par un investisseur potentiel, qui découvre que la start-up ne possède en fait aucun droit sur des éléments essentiels de la technologie qu’elle exploite.
Ces problèmes de titularité sont particulièrement fréquents avec les start-ups en raison de la relation particulière qu’elles entretiennent souvent avec une école. Une revue des litiges traités par le Tribunal Fédéral des Brevets démontre cependant que les PMEs et même des sociétés solidement établies sont loin d’être à l’abri. Nous souffrons probablement ici d’une culture basée sur la confiance en une simple poignée de main, certes fort agréable, mais qui ne suffit plus lorsque c’est la survie de la société qui est en jeu.
2. Problèmes de stratégie
L’absence de stratégie claire est presque aussi fréquente que la question de la titularité. Nous avons par exemple affaire à des sociétés qui réalisent 80% de leur chiffre d’affaire avec un produit stratégique mais non protégé, alors qu’un produit totalement marginal en terme de revenu, est blindé par une multitude de brevets, parce qu’il fait la fierté de l’équipe de R&D. Des sociétés dépensent des sommes considérables pour se protéger en Chine, ou dans d’autres marchés certes à la mode mais dans lesquelles elles ne réalisent aucune vente et n’envisagent pas se développer à moyen terme. Des PMEs bénéficient d’une marque extrêmement reconnue dans leur marché, qui leur permet de gagner la confiance des consommateurs – mais ont omis toute protection pour cette marque. Plus généralement, on constate une divergence entre le stratégie générale de la société exprimée par exemple dans le business-plan, et la stratégie propriété intellectuelle qui n’appuie pas ce business-plan.
Une stratégie de propriété intellectuelle bien pensée doit viser à défendre les USPs de la société, et à augmenter le prix à payer pour un concurrent qui voudrait concurrencer ces produits uniques. Il s’agit aussi de limiter le risque de se faire soi-même attaquer par des concurrents.
3. Liberté d’exploitation
Les ingénieurs sont des gens qui aiment les problèmes, parce que cela leur permet de proposer des solutions. Ils aiment la recherche et sont à juste titre fiers de leurs découvertes et de leur ingéniosité. Ils aiment en général beaucoup moins s’intéresser à ce que font leurs concurrents.
Le risque que l’on court en développant seul dans son coin n’est pas seulement de réinventer la roue (ce qui est déjà grave en soi) ; c’est aussi de finir par développer une solution qui ne peut pas être commercialisée parce qu’un autre l’a déjà brevetée. Nous avons ainsi dû défendre une société réputée qui a passé 24 mois à développer puis à produire un nouveau produit, sans se rendre compte que son concurrent numéro 1, une société japonaise comparable, avait déposé un brevet qui rendait toute commercialisation du produit impossible. La vente a dû être stoppée lorsque les catalogues étaient déjà imprimés et que les premières commandes arrivaient.
Trop peu de sociétés recourent à la veille technologique et brevet, et surveillent régulièrement les brevets de leurs concurrents. Un certain nombre d’efforts est pourtant indispensable, notamment lorsque l’on évolue dans un domaine technologique encombré. A titre d’exemple, un smartphone moderne du type Galaxy S7 est couvert par plus de 250’000 brevets, selon les chiffres qui ont été articulés lors des litiges contre Apple.
4. Problèmes de qualité
Comme les mousquetaires, les trois problèmes sont au nombre de quatre. Le quatrième problème qui concerne la qualité des titres de propriété intellectuelle est cependant moins fréquente ; la plupart des sociétés se font conseillées par des cabinets spécialisés en sorte que les brevets ou les marques déposés sont généralement de qualité professionnelle.
Nous rencontrons cependant parfois des problèmes avec des revendications qui limitent inutilement la protection; ou qui, à l’opposé, sont tellement larges que la validité du brevet est douteuse. Certains déposants déposent en effet sans effectuer la moindre étude de brevetabilité, ou en se contentant d’une recherche assistée sommaire de quelques heures qui ne permet que rarement d’identifier tous les documents pertinents.
Des problèmes de qualité surviennent aussi souvent lorsque le brevet revendique la priorité d’une demande de brevet provisoire déposée sans taxe. En soi, la demande de brevet provisoire est un très bon système qui permet d’assurer une date de priorité avec un minimum d’efforts et en un temps record, en s’affranchissant par exemple du temps et des coûts nécessaires pour préparer une description et des figures formelles, ou pour payer les taxes de dépôt. Le système est cependant devenu si populaire que de nombreuses sociétés, et même des écoles, se sont mises à déposer des demandes provisoires de qualité totalement insuffisante, par exemple des demandes de brevet sans revendications ou avec des revendications rédigées à la va-vite. Il est extrêmement difficile de revendiquer valablement la priorité d’une telle demande provisoire, notamment en Europe. Des difficultés insurmontables surgissent notamment si l’invention a été divulguée avant le dépôt du brevet définitif, par exemple sous la forme d’un article scientifique ou lorsque le produit breveté arrive sur le marché ; dans un tel cas, cette divulgation antériorise le brevet qui ne peut pas bénéficier de la date de priorité de la demande provisoire défaillante, en sorte que le brevet est nul.
En matière de marque, les problèmes rencontrés concernent par exemple le choix des classes qui couvre insuffisamment les produits et services proposés, ou alors un libellé des produits qui se contente de reprendre le libellé officiel, sans l’adapter à ce que fait la société.
Un IP roadmap permet non seulement de détecter et de remédier à ces problèmes, mais aussi de proposer un plan d’action pour construire une stratégie de propriété intellectuelle solide et adaptée. Nous sommes bien entendu à votre disposition pour en parler.