Qui est l’auteur en matière d’intelligence artificielle, s’il y en a un ?

Par anthropomorphisme, nous avons naturellement tendance à parler de l’IA comme d’une personne à part entière, ce qu’elle n’est pas (ou du moins, pas encore !).

Cependant, en vertu d’un principe reconnu de manière universelle, seule une personne physique peut être qualifiée d’auteur d’une création ou d’une œuvre au sens de la loi sur le droit d’auteur (ou copyright dans les pays anglo-saxons).

Dès lors de nombreuses questions surgissent en lien avec les  « créations de l’IA ». L’Office américain de propriété intellectuelle USPTO a été challengé l’an dernier par un déposant qui a déclaré une IA comme auteur d’une œuvre. La demande a été rejetée précisément pour le motif que seul un être humain pouvait prétendre à la titularité sur un copyright ; cette prise de position a eu cependant le mérite de créer un précédent et ouvrir le dialogue entre juristes et créateurs.

Par analogie, en 2016, un juge américain a débouté l’association de défense des animaux PETA en relation avec l’exploitation d’un selfie pris par un singe, au motif que même si le singe avait pris les photos “de manière indépendante et en en toute autonomie”, il était impossible de donner suite au procès sachant que les animaux n’ont pas qualité pour agir en justice et ne peuvent donc pas engager des poursuites pour atteinte au droit d’auteur. Il en va de même des tableaux peints par le cochon « Pigcasso ».

Ainsi, il est essentiel d’examiner le rôle de l’humain dans la création d’une œuvre d’art. Si l’artiste a utilisé un algorithme d’IA comme un simple outil pour créer l’œuvre d’art et a pris des décisions créatives importantes au cours du processus (par exemple en écrivant un prompt très détaillé), il pourra être considéré comme le titulaire en découlant si les autres conditions de protection exigées par le droit d’auteur sont remplies. En revanche, si l’algorithme d’IA a généré une image ou un résultat de manière autonome, sans -ou presque sans- intervention humaine, il n’est pas certain qu’une œuvre au sens du droit d’auteur puisse être revendiquée.

Ainsi, un morceau de musique entièrement crée par l’IA ne saurait être protégé par le droit d’auteur, de sorte que tout le monde pourrait le diffuser librement. Les controverses sont encore nombreuses aujourd’hui, en particulier si la création d’une nouvelle catégorie de droits de propriété intellectuelle devait s’avérer nécessaire ? Les auteurs préconisent plutôt d’élargir les concepts existants dans le droit positif ; en effet, le droit suit la technologie et doit s’y adapter, et non l’inverse.

Ce qui est certain, c’est que l’IA ne sera jamais auteur. D’une part, car un algorithme n’est pas une personne humaine comme l’exige la loi, mais aussi par ce que les œuvres « ingérées » par l’IA pour son entraînement ne sont pas exploitées classiquement comme le ferait un artiste : lors de son apprentissage, l’IA déconstruit le contenu de celles-ci afin d’élaborer un modèle reposant sur leurs spécificités communes. Elles sont utilisées non pour elles-mêmes en tant qu’élément unique, mais pour leur valeur informationnelle. Ce que l’IA utilise dans son processus créatif est moins l’œuvre primaire que l’ensemble des traits caractéristiques qu’elle a identifiés, pris séparément (en d’autres termes, l’IA ne « voit » par l’œuvre comme le fait un être humain dans une galerie d’art par ses 5 sens, mais lit tout une série d’informations sous forme mathématiques qui décrivent le produit de manière imagée, un peu comme dans le film Matrix™).

On pourrait aussi pousser le raisonnement par l’absurde et se demander si une déconstruction totale des œuvres par l’algorithme, puis une recombinaison de celles-ci sous forme de données statistiques pourrait crée une œuvre nouvelle ab nihilo avec un droit d’auteur originaire ou au contraire s’ajoutant à l’ensemble des droits préexistants de ses contributeurs ?

Les auteurs peuvent en effet être multiples : très souvent, les utilisateurs des versions gratuites d’outils d’intelligence artificielle « cèdent » leurs droits de sorte que leur « prompt » soit réutilisé à des fins d’entrainement de l’algorithme, ainsi que le résultat issu du traitement des données insérées par l’algorithme. Ainsi, l’auteur utilisant des outils d’IA pour sa création, ne sera jamais absolument certain de pouvoir maîtriser la communication de son œuvre au public et sa diffusion, dans la mesure où les éditeurs d’outils d’IA ne garantissent ni l’unicité ni l’exclusivité du résultat issu du recours à l’outil d’intelligence artificielle..

C’est plutôt l’aspect économique qui est actuellement remis en question, notamment en raison des investissements et du coût de développement et d’utilisation de ces outils. Les mastodontes actuels de l’Intelligence artificielle alimentent celles-ci grâce aux interactions de leurs utilisateurs et monnaient donc celles-ci. Cet élément sera développé plus loin dans un prochain article.

 

En conclusion : en raison des incertitudes juridiques existantes, il n’est pas possible pour une agence recourant aux outils d’intelligence artificielle de garantir une exclusivité sur le résultat du travail aux clients, ni la cession complète des droits, dans la mesure où l’on ignore qui est exactement l’auteur du résultat (s’il y en a seulement un ).